ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE, MOUSSA FAKI MAHAMAT, A L'OCCASION DU DÉBAT OUVERT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES SUR LE THÈME: LA COOPÉRATION ENTRE LES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES: LE RÔLE DES ÉTATS, DES ACCORDS RÉGIONAUX ET DES NATIONS UNIES DANS LA PRÉVENTION DES CONFLITS
NEW YORK, LE 6 DÉCEMBRE 2018
Monsieur le Président du Conseil de sécurité pour le mois de décembre,
Distingués membres du Conseil,
Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
Mesdames et Messieurs,
Le débat de ce jour sur la prévention des conflits se tient alors que l’ordre international est confronté à des menaces diverses et graves. Qu’elles soient liées au changement climatique, à la migration et à la montée du racisme et de la xénophobie, à la criminalité transnationale ou au terrorisme, ces menaces exacerbent les situations existantes et peuvent transformer des tensions latentes en conflits ouverts.
Ce débat est d'une extrême acuité et sensibilité pour l'Afrique.
Il l’est aussi pour le reste du monde, tant il est vrai que les défis dont il s’agit transcendent les frontières et les continents.
Il l’est, enfin, pour le Conseil de sécurité lui-même, dont la crédibilité et la légitimité ne peuvent qu’être rehaussées par une efficacité accrue dans le traitement des crises internationales.
Je félicite la Côte d’Ivoire pour avoir consacré un débat à cette question.
L’engagement à faire taire les armes à l’horizon 2020, qui est l’un des projets phare de l’Agenda 2063, suppose non seulement le règlement des conflits actuels, mais aussi la consolidation de la paix là où elle a été réalisée et la prévention de nouvelles crises en Afrique.
Mesdames et Messieurs,
La nécessité d’une action soutenue en matière de prévention est certainement l’une des questions qui fait le plus large consensus au sein de la communauté internationale, même si le plus souvent ce consensus est plus théoriquement formulé que pratiquement exercés.
Les obstacles à une action préventive effective sont nombreux. Deux parmi eux me paraissent récurrent: Le premier est celui de la réticence des États, qui perçoivent toute intervention précoce comme une atteinte à leur souveraineté.
Le seconde réside dans une culture de l’urgence qui a fini par contaminer l’action internationale dans nombre de domaines.
La prise de conscience de cette réalité a présidé à l’élaboration du Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Lequel a placé la prévention au cœur des priorités de notre Union.
Depuis l’adoption de ce Protocole, l’Union africaine a significativement renforcé sa capacité de prévention, de gestion et de règlement des conflits. Rien n’illustre mieux cette encourageante évolution que les avancées enregistrées s’agissant du déploiement des opérations africaines de soutien à la paix.
L’expérience de ces dernières années a clairement montré que ces opérations sont des outils efficaces pour contenir la violence et éviter l’escalade. Elles font partie de la gamme d’instruments dont dispose notre Union dans le cadre sa diplomatie préventive.
Mesdames, Messieurs
La question du financement de ces opérations est à l’ordre du jour du Conseil de sécurité depuis près d’une décennie.
Il est heureux de constater qu’au cours de cette période, la prise de conscience internationale a évolué. Tout le monde s'accorde a reconnaître que le dispositif international des réponses des crises n'est plus adapté.
Les raisons de cet état de fait sont bien connues. Elles sont liées à la nature des conflits, qui sont plus souvent intra-étatiques qu’interétatiques; à la pluralité des acteurs impliqués; à l’extrême violence, à l’émergence du fléau du terrorisme et de la criminalité organisée.
Ce sont là autant de facteurs qui ont secoué les fondations des opérations de maintien de la paix, y compris les conditions de leur déploiement. Les réalités du terrain sont devenues si complexes qu’attendre le rétablissement complet de la paix pour pouvoir ensuite la maintenir revient très souvent à refuser de prêter assistance à une population en danger.
C’est dans ce contexte que s’est développée une forme de division du travail entre les Nations unies et les organisations régionales, notamment l’Union africaine. Ces dernières ont démontré une capacité à intervenir rapidement dans des environnements complexes pour contenir la violence, faciliter l’avènement de la paix et créer les conditions de son maintien.
Le partenariat entre l’Union africaine et les Nations unies a évolué pour négocier avec créativité les enjeux sécuritaires de l’heure. L’Opération hybride au Darfour, les transitions qui ont eu lieu au Mali et en République centrafricaine entre missions africaines et onusiennes et le soutien appréciable que les Nations unies apportent à notre Mission en Somalie sont des exemples édifiant à cet égard.
Nous devons ici nous poser la question de savoir ce que les situations dans les pays concernés auraient été si la communauté internationale, en lieu et place de l’innovation requise par les circonstances, avait choisi comme seule voie l’orthodoxie, l’adhésion aveugle à ce qui est connu, à ce qui est familier.
Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui, il s’agit, pour nous, d’aller collectivement plus loin. Ce pas supplémentaire n’est pas un saut dans l’inconnu. Il s’inscrit dans le prolongement de ce que nous avons déjà expérimenté ces dernières années, des leçons tirées du soutien multiforme apporté par les Nations unies à des opérations africaines et des résolutions déjà adoptées sur cette question.
La démarche pour obtenir l’adoption d’une résolution sur le financement durable et prévisible de nos opérations de soutien à la paix entreprises avec le consentement du Conseil de sécurité participe d’un double dynamique.
Il s’agit, d’une part, de permettre au Conseil de sécurité d’assumer plus effectivement sa responsabilité principale de maintien de la paix et de la sécurité internationale, en recourant à toutes les ressources que lui offre la Charte à cet effet et, d’autre part, de cimenter encore davantage le partenariat avec les Nations unies, en assurant un meilleur partage du fardeau financier de la promotion de la paix.
Au cours des années écoulées, nous avons pris nombre d’initiatives pour précisément assumer notre part de responsabilité à cet égard.
Les dirigeants africains ont convenu de financer à hauteur de 25% l’agenda paix et sécurité du continent. Nous avons revitalisé le Fonds de la paix, pour lequel près de 80 millions de dollars ont déjà été mobilisés et dont le Conseil d’administration vient d’être mis en place. Nous avons pris des mesures concrètes pour assurer une meilleure reddition des comptes et le respect des droits de l’homme dans la conduite de nos opérations.
Certes des efforts supplémentaires sont requis. Mais les bases d’une décision du Conseil de sécurité ont déjà été posées.
La détermination renouvelée de l’Afrique à jouer un rôle plus important dans la promotion de la paix et de la sécurité internationale doit trouver un répondant dans cette chambre du Conseil.
Dès lors, le temps n’est plus aux hésitations, aux atermoiements.
La résolution proposée par le A3 pour l’Afrique pose un cadre, qui ne préjuge en rien des décisions ultérieures que le Conseil prendrait au cas par cas. Elle n’emporte pas, à ce stade, d’incidences financières. Elle préserve l’autorité du Conseil de sécurité: je dirais même qu’elle la conforte, car elle lui offre un contrôle plus effectif sur la conduite des opérations africaines partiellement soutenues par les Nations unies.
Notre appelons de notre vœu un consensus sur le texte, étant entendu que celui-ci ne devrait pas le vider de sa substance. Je salue au passage le travail remarquable accompli par le membre du A3 à cet effet et l’approche véritablement consultative qui a présidé à leurs efforts.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Nous devons saisir l’opportunité qui s’offre pour mieux relever le défi de la paix et de la sécurité. Telle est l’attente de notre continent, mais aussi celle de beaucoup d’autres membres de la communauté internationale.
Nous ne pouvons face à un environnement international imprévisible et à des menaces qui gagnent chaque jour davantage en gravité et en complexité adopter une attitude attentiste. Tôt ou tard, nous payerons au prix fort une telle attitude.
Je suis venu ici pour exprimer la foi renouvelée de l’Afrique en les Nations unies et son espoir en leur capacité à relever les défis de l’heure.
Je suis venu pour dire que l’Union africaine est déterminée à jouer le rôle qui lui revient dans l’entreprise collective de renforcement de l’efficacité de notre maison commune dans la promotion de la paix et de la sécurité.
Je suis venu pour souligner la nécessité d’œuvrer avec un sens aigu de l’urgence à l’avènement d’une architecture internationale de paix et de sécurité en phase avec les menaces d’aujourd’hui et de demain.
Puisse cette foi et cet espoir sortir renforcés de ce débat.
Je vous remercie de votre attention.
Addis Ababa, ETHIOPIA P. O. Box 3243 Telephone: 011 552 5837 Fax: 0115 525840
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